Ouverture du blog Histoire Coloniale et Post Coloniale (HCPC) sur Mediapart
Samedi 25 Septembre 2021
Par François Gèze, Gilles Manceron, Fabrice Riceputi et Alain Ruscio
Colonial, postcolonial et décolonial, sont des mots récurrents dans les débats actuels, souvent vifs et clivants. Une exigence de décolonialisation encouragée par le mouvement Black Lives Matter (BLM), transnationale comme le mouvement féministe Me Too, prend une ampleur mondiale et elle interpelle toutes les anciennes métropoles impériales. En France, cette exigence se heurte actuellement à de fortes résistances. Certains, dans le champ politique et médiatique, voudraient diaboliser les voix des chercheurs et des citoyens qui appellent à l’examen critique d’un passé de puissance coloniale long de quatre siècles. Notre pays peine à reconnaitre que, héritier des Lumières et de la déclaration des droits de l'homme, il l’est aussi d’une histoire esclavagiste et impériale qui lui a laissé des traces.
Le blog HCPC est né d’une volonté commune de la rédaction de Mediapart et de l’équipe du site Histoire Coloniale, celle d’appuyer la réflexion et l’action pour une décolonialisation effective de notre société sur les acquis des recherches en sciences sociales, particulièrement fécondes, en France et ailleurs, sur ces questions depuis les années 2000, mais trop souvent ignorés quand ils ne sont pas stigmatisés.
C’est du refus du racisme postcolonial qu’est né le site Histoire Coloniale. Il prolonge le site de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) de Toulon créé par François Nadiras, né en 1941 et mort en 2017, en réaction à l’élection en 1995 d’un maire du Front National dans la ville de Toulon, qui, militant de la LDH dans cette ville, était conscient de ce que la force de l’extrême droite et de la droite locale dans ce haut lieu du passé colonial français s’expliquait en grande partie par l’amoncellement des préjugés coloniaux. En vingt et un ans, le guetteur de Toulon a fait du site de la LDH de Toulon une référence majeure du net francophone pour expliquer et documenter l’histoire coloniale, des milliers de pages et des millions de consultations et de partages, bien au-delà de la France, notamment au Maghreb et aux Etats-Unis.
Le site Histoire Coloniale a conservé après 2017 ces pages produites notamment lors d’importantes campagnes d’opinion, par exemple lors de l’affaire des deux archivistes Philippe Grand et Brigitte Lainé injustement sanctionnés entre 1999 et 2005 après avoir témoigné de façon décisive lors du procès en diffamation intenté par Maurice Papon, et perdu par lui, contre Jean-Luc Einaudi, ou lors de la campagne pour l’abrogation de l’article trois de la loi du 23 février 2005 qui prétendait inciter les enseignants à montrer les aspects positifs de la colonisation, article finalement abrogé. Il a accueilli de très nombreux travaux et prises de position de chercheurs sur ces questions qu’il a mises à la disposition du public.
Suivant le vœu de François Nadiras, la partie du site de la LDH de Toulon concernant l’histoire coloniale et post-coloniale a été, en 2017, reprise et continuée par le site Histoire Coloniale, qui s’est structuré en grandes parties thématiques et géographiques, la société française au temps des colonies, la société française face à l’héritage de son passé colonial, les autres colonialismes, le Maghreb, l’Afrique subsaharienne, l'Océan Indien, l’Asie, les Amériques et le Pacifique. Il propose en accès libre plus de trois mille articles, textes originaux, articles parus dans des publications universitaires ou grand public, comptes rendus de livres, films et expositions, documentant des points d’histoire de l'empire colonial français, de la première colonisation, entre le seizième et le dix-neuvième siècle, à la seconde colonisation, entre 1830 et 1962, et proposant aussi des réflexions relatives à leurs héritages dans la France contemporaine et aux débats et controverses auxquelles ils donnent lieu.
L'équipe du blog HCPC va publier régulièrement des articles sur Mediapart, tout en signalant les ressources que les lecteurs pourront trouver sur le site Histoire Coloniale.
Les quatre membres fondateurs de cette équipe sont les suivants. Il y a François Gèze, éditeur, qui a succédé en 1982 à François Maspero à la tête de la maison fondée par ce dernier en 1959, devenue les éditions de la Découverte qu’il a dirigées jusqu’en 2014 et où il est directeur de collection. Il y a Gilles Manceron, historien, auteur et co-auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire coloniale et post-coloniale de la France, qui a été vice-président de la LDH et rédacteur en chef de sa revue Hommes et Libertés. Il y a Fabrice Riceputi, professeur d’histoire et de géographie, chercheur associé à l’Institut d'Histoire du Temps Présent (IHTP), auteur notamment du livre « ici on noya les algériens », en 2021, qui anime, avec Malika Rahal, le site Mille Autres, créé en 2018 pour faire revivre la mémoire des disparus victimes en 1957 de la Bataille d’Alger. Il y a Alain Ruscio, historien spécialiste notamment de la guerre d’Indochine et de l’Indochine coloniale, qui a élargi ses travaux aux autres colonies et au regard colonial en général et qui dirige depuis 2016 une imposante encyclopédie de la colonisation française, l’encyclopédie des Indes savantes.
Nous publierons régulièrement sur ce blog de Mediapart des articles inédits portant sur des sujets qui apparaissent dans l’actualité, à commencer, dans les jours prochains, par l’histoire des harkis et par l’histoire de la répression à Paris des manifestations du 17 octobre 1961.
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